Amis budoka bonjour,
aujourd’hui nous aborderons ensemble la notion fondamentale de “Do” dans le karaté do shotokai et plus globalement dans les arts martiaux japonais. Que faut il entendre lorsque l’on parle de “Do” ? Le sujet est vaste… Je vous propose ma compréhension du sujet.
Le concept de “Do” en shotokaï, traduit avant tout l’idée d’une voie, d’une recherche, d’un sens, d’une direction que l’on donne à sa pratique et plus globalement à notre propre existence. La voie est un chemin qui doit nous permettre en tant que pratiquant de karaté de trouver l’épanouissement personnel à travers la pratique au dojo et plus généralement à travers l’expérience de la vie. Se cache derrière la voie, l’idée prédominante de vivre pleinement sa vie, de la polir constamment de manière à rentrer en résonnance avec son « moi véritable ». En ce sens, le karaté do peut alors être perçu comme un outil socio-éducatif contribuant à cette quête d’épanouissement personnel, de parcours menant vers une forme de perfection du caractère, de quête d’un idéal de la nature humaine. Il ne s’agit donc pas de voir le karaté uniquement comme l’agencement de techniques meurtrières (même si cela peut être le cas) mais d’associer à ces techniques un sens utile à notre développement corporel et spirituel. De manière plus générale, la voie de la main vide (Karate Do) est donc celle de l’harmonisation de notre corps et de notre esprit. La technique doit servir la cause de la pratique et le karaté do doit nous aider à comprendre comment remplir notre être d’authenticité, d’harmonie, de paix intérieure et extérieure (intérieure : vis à vis de soi-même et extérieure : vis à vis des gens qui nous entourent). Si la voie des arts martiaux a longtemps servi à détruire (les adversaires sur les champs de bataille), le do insiste désormais plus sur l’idée de construire les individus sur un plan corporel et spirituel. La voie est donc un chemin qui s’entreprend sur plusieurs années (pour ne pas dire sur une vie entière) : construire est en effet souvent bien plus long que de détruire…
Quoi qu’on en dise, la voie est un chemin que l’on suit seul car elle est un chemin avant tout personnel : notre équilibre (corporel, émotionnel, …) est relatif par rapport à nos expériences personnelles de la vie qui constituent un référentiel qui nous est unique, identitaire. Dans ce cadre, le rôle du senseï est donc d’aider le pratiquant à élargir ce référentiel. Mais attention, même accompagné, il appartient au pratiquant seul d’emprunter la voie avec travail, passion, volonté, curiosité et persévérance. Rien n’arrive jamais par hasard… Suivre la voie c’est d’abord être acteur de son changement.
Le senseï, n’impose jamais le chemin, il ouvre des portes et donne des directions. Il doit être un maître à penser pour éveiller corps et esprit du pratiquant et élargir la conscience de ce dernier sur ce qui ne fait pas sens à première vue. La complexité de notre monde inhibe parfois les sens de l’Homme… Les arts martiaux doivent aider à “ouvrir les yeux”.
La notion de “Do” n’est pas inhérente au karaté. On retrouve en effet cette notion dans beaucoup d’autres arts martiaux japonais : Aikido, Kendo, Judo, etc… Même si la finalité du « Do » est commune à ces pratiques et vise le satori (l’éveil spirituel, la compréhension) chaque discipline propose en revanche des moyens différents pour suivre la voie et atteindre le stade de la compréhension.
Concernant le karaté do shotokai, les moyens sont historiques et prennent donc racines dans le passé. D’après les écrits shotokaï, on note que Maître Shigeru Egami vouait une recherche sur l’amélioration de l’efficacité de ses tsuki et donc de son karaté. Il s’est rendu compte que les tsuki de karateka manquaient sérieusement d’efficacité et qu’il y avait des raisons concrètes à cela. Il en est alors venu à proposer un karaté différent, moins rigide, basé sur les principes fondateurs suivants : être souple, relâché, détendu dans sa pratique pour tendre vers une efficacité accrue. La shotokaï repose donc sur la recherche de l’efficacité par la souplesse, le relâchement, la détente. Cela dit, si par « souplesse », « relâchement » ou « détente » on entend « molesse » alors le cadre de départ est déformé et il devient difficile de prétendre pratiquer le shotokaï. Comment alors s’inscrire dans la voie et la comprendre si les fondamentaux de la pratique ne sont alors pas assimilés, pire parfois même complètement ignorés ? Suivre la voie est personnelle certes mais s’inscrit dans un cadre très précis. L’élévation du corps et de l’esprit ne peut se faire si l’on fait n’importe quoi. L’apprentissage de la voie passe donc par des contraintes préalables qu’il est fondamental de respecter au risque de se perdre en chemin. La liberté n’a de sens que si l’on sait d’abord ce que sont les contraintes.
Suivre une voie exige donc en premier lieu de respecter un cadre, des principes de départ fixés par la dite discipline et de s’inscrire dans ces principes en connaissance de cause pour grandir et tendre peu à peu vers la compréhension. Ce sont ces principes qui permettent d’élargir la conscience et de comprendre progressivement la voie qui façonne harmonieusement corps et esprit. Ignorer ou rejeter les principes, c’est s’éloigner de la voie.
A bientôt.