Réflexion martiale n°5 : Comment continuer à progresser dans les arts martiaux après le 1er DAN ?

Bonjour à tous,

souvent lorsque nous arrivons à un certain niveau de pratique il devient plus difficile de continuer à progresser. Je vous fais donc part de mon expérience personnelle sur le sujet en espérant qu’elle puisse vous aider.

Deux schémas d’apprentissage existent dans les arts martiaux

  • Premier schéma : il est basé sur l’apprentissage indirect des principes d’utilisation universelle du corps via l’étude de formes et de techniques largement codifiées (karaté, judo, kung-fu, etc… illustrent ce schéma). A mon sens, ce schéma a été créé pour essayer de rendre la démarche d’apprentissage plus accessible à la population. Dans ce schéma, l’apprentissage ressemble à une forme de spirale ascendante dans laquelle le pratiquant repasse régulièrement par les fondamentaux pour les optimiser. Cela dit, trop souvent on constate que les pratiquants se contentent de l’apprentissage de la technique dans sa forme superficielle sans chercher à réellement l’explorer et à la remettre en cause. Ceci est, je pense, l’une des causes possible de stagnation ou de régression dans la pratique car elle ne permet pas d’accéder à la « connaissance supérieure ».
  • Deuxième schéma : il est basé sur l’apprentissage direct des principes d’utilisation universelle du corps (aunkaï, yi chuan, etc…illustrent ce schéma) et fait abstraction des catalogues techniques. Ce schéma d’apprentissage a un caractère plus direct vers l’essence de l’art martial, mais s’avère être plus fermé au sens où il s’adresse à des pratiquants beaucoup plus avertis. A mon sens, ce schéma d’apprentissage demande un niveau de maturité supérieure et une ouverture d’esprit affirmée. Dans ce cas de figure, l’apprentissage touche en plein cœur l’essence même de ce qu’est un art martial : l’art de façonner harmonieusement corps et esprit. Il s’agit donc d’un schéma d’apprentissage extrêmement intéressant.

En karaté-do shotokai c’est généralement le premier schéma d’apprentissage qui est exploité afin de rendre l’enseignement plus accessible au commun des mortels. Mais progressivement cet apprentissage doit tendre vers les concepts du deuxième schéma afin que le pratiquant transcende la technique et parvienne à dépasser le monde du visible. Je dirai donc que la voie du karaté shotokaï s’étudie en plusieurs temps.

D’abord la courbe de progression est ascendante (on découvre le visible, on est débutant)

Lorsque l’on débute le karaté, la progression est généralement nette : apprentissage des techniques fondamentales, apprentissage des katas, etc… Tout s’emballe car le contenu est dense et nouveau. Puis vient le temps ou nous récitons parfaitement nos katas à force de les avoir répétés, les termes techniques japonais nous deviennent davantage familiers… Nous sommes par ailleurs de plus en plus à l’aise avec la quantité d’éducatifs habituellement pratiqués au dojo… Et pour couronner le tout, grâce au travail et à la persévérance nous réussissons l’examen du Shodan (ceinture noire 1er DAN), ce graal tant espéré des débutants… Et après ?

La courbe de progression en vient à stagner (on persiste dans le visible, on est toujours débutant)

En tant que pratiquants honnêtes et sincères, nous tâchons de pratiquer assidûment mais malgré cela, les efforts fournis ne semblent pas vraiment récompenser notre travail à sa juste valeur. Nous doutons parfois de la pertinence de notre pratique. Puis progressivement, nous nous installons alors dans une routine qui ne semble pas réellement nous faire progresser car tout ce que l’on nous montre, nous pensons déjà le connaitre…L’ennui commence alors sérieusement à nous guetter et l’on se dit que l’on a très certainement fait le tour de la discipline. L’envie d’arrêter ou de découvrir une autre discipline martiale nous gagne et l’on se convint que le changement de discipline apportera son lot de nouveautés et qu’il nous permettra ainsi de continuer à progresser.

Lorsque l’on est sur la voie des arts martiaux, une telle réflexion démontre en réalité un manque de compréhension certain du sens de la pratique. Cela signifie que contrairement à ce que nous pensons, nous sommes fondamentalement toujours de grands débutants et que le vrai chemin vers la connaissance supérieure de l’art martial n’a pas réellement commencé… Mais alors, comment procéder à ce stade de la pratique ?

Il convient de pratiquer avec davantage de méthode et d’intelligence (on se détache du visible, on devient avancé dans la pratique)

Souvent on croit que la solution consiste à « répéter davantage les choses pour s’améliorer ». En clair on se dit que l’on ne progresse plus car on ne répète tout simplement pas assez ce que l’on « sait » déjà. Cela est à moitié vrai car quid de la répétition d’un geste mal appris, mal intégré ? Dans ce cas précis, la répétition ne fera en fait que confirmer un mauvais pli acquis lors de notre pratique. En clair la répétition fera de nous des pratiquants encore plus « mauvais ». La répétition n’est bonne que lorsque le geste est compris.

A mon sens, le grand voyage en terre martiale peut sérieusement commencer sous condition d’intégrer à minima les trois points suivants à sa pratique :

  • Premier point : franchir la barrière des certitudes et savoir se remettre en question

Etre prêt à découvrir l’essence de l’art martial signifie vouloir remettre en question tout ce que nous considérons comme étant actuellement acquis. D’années en années, il est facile de laisser des habitudes s’installer mais quand les habitudes sont mauvaises, il faut y remédier. La recherche de facilité n’est pas la voie des arts martiaux, soyons en sûr ! Bien souvent à ce stade il va falloir tester, casser/adapter les bases pour confirmer/réfuter et ainsi tendre vers une reconstruction plus optimale. C’est une phase délicate que peu de pratiquants s’imposent car à court terme, on redevient en quelque sorte « fragile » dans sa pratique. En revanche sur du long terme, on capitalise et cet effort de remise en cause pourra générer de nombreuses vertus : il aiguisera notre propre esprit d’analyse, il améliorera notre technique et il nous apprendra à descendre de notre piédestal en nous rappelant qu’il faut être humble, sincère et honnête vis-à-vis de sa pratique. Savoir se remettre en question est un pré requis indispensable pour progresser. Accepter la critique constructive et pertinente fait parti de ce premier point.

  • Deuxième point : élargir sa conscience en apprenant à voir et non à regarder

Une fois le premier point accepté, il faut apprendre à voir et non à regarder. L’ivresse technique est un leurre lorsque l’on ne sait pas voir et c’est là un fondement auquel il faut prêter attention au risque de se noyer. Elargir sa conscience consiste à voir au-delà des apparences. Par conséquent bien souvent on stagne car l’on ne sait pas réellement voir le mouvement, ce que cache concrètement la technique. Tout enseignement martial doit mener à comprendre ce que signifie « voir ». Pour parvenir à cela, plusieurs possibilités complémentaires s’offrent à nous : poursuivre une pratique régulière et assidue et être bien guidé, suivre des stages, se documenter en lisant toutes formes d’ouvrages sérieux sur les arts martiaux.

  • Troisième point : se faire confiance, croire en soi et s’accrocher

Ce qui peut également nous freiner dans la progression se sont les jugements extérieurs sur notre pratique qui visent à dévaloriser/décourager notre transformation incomprise. Parfois des gens se permettent en effet de remettre en cause et de juger gratuitement notre travail et nos valeurs sans argument construit. Mais on le sait bien : critiquer ou ignorer volontairement quelque chose que l’on ne comprend pas est plus facile que de fournir l’effort de chercher à le comprendre. Ne nous arrêtons donc pas à de telles attitudes indignes qui n’ont pas leur place dans le karate-do. Considérons bien au contraire le changement dans la pratique comme un processus d’amélioration conscient qui doit tendre vers une harmonisation corps/esprit plus maîtrisée et donc plus aiguisée. Il n’y a rien de plus sincère et honnête pour un pratiquant que d’être dans une dynamique qui tend à vouloir comprendre l’essence même de l’art martial. Il n’y a donc pas de place pour les médisances et la bassesse dans une recherche aussi pure que celle des arts martiaux. Croyons donc en nous et accrochons nous.

En appliquant ces trois points, je peux vous garantir que la pratique aura une marge de progression incroyable.

Reste à savoir désormais si l’on est prêt à oser franchir le cap ?

Amis budokas, à bientôt pour une prochaine réflexion martiale.